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Version 3.00
Mettez un peu de couleur dans votre vie
J’aime beaucoup les jeux abstraits, mais il faut être honnête : pour une boutique, ce n’est pas le genre le plus facile à vendre. Alors, pour leur donner une chance, les éditeurs et auteurs tentent parfois quelques subterfuges. Je pense notamment à Donuts, où le thème a clairement joué un rôle important dans son succès.
Et Ink, c’est un peu la même histoire.
Je me balade dans ma boutique de jeux habituelle, et le gérant me propose une démo d’Ink. Ma première réaction ?
"No way !"
J’ai déjà Azul à la maison, ainsi que quelques autres jeux du genre, et avec la quantité de nouveautés qui sortent chaque semaine, il faut bien faire des choix.
Le hic, c’est qu’il ne connaissait pas bien les règles… Et mis à part les encriers qui attirent l’œil, rien ne m’a vraiment accroché à ce moment-là. Du coup, je me suis vite désintéressé du jeu.
Mais voilà, je n’ai pas réussi à dormir cette nuit-là (oui, c’est grave à ce point…). J’ai commencé à farfouiller sur internet pour en savoir un peu plus. Et là, c’était foutu : plus je découvrais Ink, plus je voyais tout ce que j’aime dans un jeu abstrait.
Résultat ?
Le lendemain, je retournais en boutique pour mettre la main sur ce fameux Ink. Comme quoi, parfois, il suffit d’un petit déclic... Ou d’une nuit blanche…
La règle d’Ink est d’une clarté remarquable. On a un peu l’impression de lire une fiche signée de l'éditeur Plan B (comme pour Azul) : un grand feuillet bien illustré, aéré, qui se lit en quelques minutes à peine. La compréhension est immédiate, sans prise de tête.
Ce que j’ai particulièrement apprécié, c’est l’exemple d’un tour de jeu complet. C’est tout bête, mais franchement efficace : en une double-page, on visualise très bien ce qui nous attend autour de la table. Ça aide à se projeter, à comprendre le rythme du jeu et les petites subtilités de timing.
Et c’est exactement ce que j’aime dans les jeux abstraits : des règles simples, accessibles, qui ne demandent pas trois lectures, mais qui offrent du plaisir de jeu dès la première partie.
On trouve aussi une petite feuille séparée qui présente les actions bonus qu’on pourra utiliser pendant la partie. Pratique pour garder l’info à portée de main sans retourner constamment dans la règle.
Ah, et le mode solo est bien là, comme dans tout bon jeu qui se respecte. Un vrai plus pour ce genre de titre,
Dans INK, vous êtes des artistes qui cherchent à créer la plus belle œuvre possible en posant de l’encre sur leur tableau. Chaque joueur tente d’être le premier à se débarrasser de toutes ses bouteilles d’encre. Et si plusieurs y parviennent, c’est celui qui aura utilisé le plus d’encre noire qui remportera la victoire.
Votre tour se déroule toujours en 4 étapes, dans cet ordre :
I. Vous déplacez votre bouteille de tête sur la roue
La roue au centre du plateau est composée de 6 plumes, et devant chaque plume, se trouve une tuile de couleurs. Vous allez déplacer votre bouteille de tête sur l’une de ces plumes, dans le sens des aiguilles d’une montre. Vous choisissez librement sur laquelle vous vous arrêtez.
Attentions ! Si vous passez par la case « Départ », il faut faire une pause : vous piochez un petit jeton (appelé un jeton X) qui viendra bloquer ou modifier une partie de votre tableau. Puis, vous continuez normalement.
Ensuite, vous prenez la tuile située devant la plume que vous avez choisie.
II.Vous ajoutez la tuile à votre tableau
Vous placez cette tuile devant vous, en l’ajoutant à votre œuvre. Il faut simplement que la nouvelle tuile touche au moins un carré déjà en place sur votre tableau, même en diagonale. Vous pouvez aussi retourner la tuile sur son verso si ça vous arrange.
III. Vous vérifiez si vous complétez un objectif
Certaines tuiles contiennent un chiffre (entre 3 et 7). Ces chiffres sont des objectifs. Si vous parvenez à former une zone d’une couleur donnée, contenant ce chiffre, et que cette zone compte au moins autant de carrés adjacents que le chiffre, vous pouvez valider l’objectif.
Par exemple : si vous avez un objectif 4 dans une zone bleue foncée, et que cette zone contient désormais 4 ou plus de carrés bleus foncés reliés, vous pouvez le compléter.
Mais attention, vous ne pouvez valider un objectif que si cette zone a été agrandie pendant ce tour, que ce soit en posant une nouvelle tuile ou en libérant des espaces.
Si c’est le cas, vous faites deux choses :
- Vous posez une bouteille à l’envers sur l’objectif lui-même (elle restera là jusqu’à la fin).
- Puis, vous posez autant de bouteilles à l’endroit que possible sur les petits ronds blancs de cette zone.
Si vous n’avez pas assez de bouteilles, vous choisissez lesquelles poser.
IV. Vous déclenchez une action bonus (si possible)
Si l’objectif que vous venez de compléter est un 4, 5, 6 ou 7, vous pouvez activer une Action Bonus. Ces actions sont visibles sur le plateau central, et elles varient à chaque partie. Elles vous permettent de déplacer ou retirer des bouteilles, manipuler vos tuiles, obtenir des avantages, ou prolonger votre tour.
Vous n’êtes jamais obligé d’utiliser une action bonus, mais elles peuvent faire toute la différence.
Et si, grâce à cette action ou à vos placements, une autre zone devient éligible pour un objectif, vous pouvez enchaîner directement et continuer votre tour.
Et votre stock d'encriers dans l'histoire ?
Vous avez deux types de bouteilles :
- Celles posées sur votre palette sont limitées à vos deux couleurs personnelles.
- Celles à côté de votre palette sont des jokers, que vous pouvez poser sur n’importe quelle couleur.
Gérer ces deux stocks est crucial. Si vous êtes à court de la bonne couleur, vous ne pourrez pas poser vos bouteilles, même si vous complétez un objectif.
Et si vous ne voulez pas jouer ?
À votre tour, si vous êtes bloqué ou si cela vous arrange, vous pouvez passer. Dans ce cas, vous ne touchez pas à la roue et vous déplacez simplement jusqu’à deux bouteilles de votre palette vers votre stock joker. Cela vous permet de préparer vos futurs tours en étant plus flexible.
Quand la fin de partie arrive...
La fin est déclenchée dès qu’un joueur pose sa dernière bouteille d’encre. On continue ensuite jusqu’à ce que tous les joueurs aient joué le même nombre de tours. Le joueur qui a posé toutes ses bouteilles gagne… à condition d’avoir aussi posé plus de bouteilles noires que les autres en cas d’égalité.
Ink, c’est un peu comme Azul à son époque : une mécanique de jeu fluide, accessible, mais sans pour autant se contenter du minimum. La question que vous allez devoir vous poser à chaque tour est la suivante :
Vaut-il mieux agrandir ma zone pour y placer un objectif de forte valeur (et maximiser les emplacements pour poser mes encriers), ou valider rapidement dès que possible ?
Côté rejouabilité, le jeu ne manque pas d’arguments. D’après la boîte, 225 combinaisons de pouvoirs sont possibles, grâce aux fameuses capacités que l’on débloque en remplissant des objectifs. Plus l’objectif est ambitieux, plus le pouvoir obtenu sera puissant. Mais dans ce jeu de course… aurez-vous le temps de les activer avant la fin ?
Autre idée maligne : le système de pénalité dissuade les joueurs de prendre systématiquement les meilleures tuiles. Imaginez le plateau central comme une horloge : chaque pion qui dépasse midi vous oblige à tirer une tuile de pénalité que vous devez poser en respectant une contrainte de couleur, la rendant inutilisable. Et si tout le monde se montre un peu trop gourmand ? Alors la sanction monte d’un cran. Simple, mais diablement efficace pour vous faire réfléchir à deux fois avant d’agir.
Et ce n’est pas tout : les encriers que vous posez bloquent l’expansion de votre zone de couleur, ajoutant une contrainte supplémentaire à prendre en compte dans vos placements.
Et pour terminer, un gros points positif pour moi, c'est l’absence de points de victoire. Ici, la condition de fin est limpide : dilapider vos 12 encriers, et c’est tout. Pas de décompte interminable, pas de calculs de fin de partie qui cassent l’ambiance. Ce moment un peu gênant où quelqu’un se sacrifie pour remplir la feuille de score, mais finit par la passer à son voisin en soupirant car il a la flemme de compter… (oui, oui, on t’a reconnu, je fais pareil !)
La boîte d’Ink a du poids, et pour cause : plus de 100 encriers en plastique et 95 tuiles à l’intérieur. Le matériel est généreux, vraiment. Tellement généreux qu’il faudra jeter l’insert en carton si vous espérez refermer le couvercle correctement une fois tout rangé. Oui, la boîte déborde (littéralement) de contenu.
En termes de production, la boîte est belle, épurée, et colle bien à l’esprit abstrait du jeu. Les encriers sont jolis, même si je l’avoue je m’attendais à un rendu un peu plus travaillé, un peu plus « waouh ». Quant aux tuiles… bon, elles font un peu prototypes. J’aurais aimé une vraie sensation d’encre qui se répand, quelque chose de plus organique visuellement, plutôt que de simples carrés de couleur. Mais je suppose qu’on a fait le choix de la lisibilité avant tout, ce qui peut se défendre.
En revanche, gros bémol côté accessibilité : pour les personnes daltoniennes, malgré la présence de petits pions censés aider, il manque clairement des symboles distinctifs sur les bouchons des encriers pour différencier les couleurs. Un ajout simple qui aurait rendu le jeu beaucoup plus inclusif.
Ink coche de nombreuses cases dans ce qu’on attend d’un jeu abstrait : matériel généreux, règles limpides, mécanique accessible mais subtile, et une rejouabilité assurée par un système malin d'objectifs et de pénalités.
Si l’expérience visuelle aurait mérité d’être un peu plus immersive et surtout plus accessible aux personnes daltoniennes, cela n’empêche en rien le plaisir immédiat procuré dès la première partie. La présence bienvenue d’un mode solo et l’absence totale de cette fameuse « salade de points » rendent l’expérience fluide et agréable, idéale pour ceux qui cherchent un casse-tête léger mais addictif.
Ink, c’est typiquement le genre de jeu qui s’impose naturellement à la table, preuve qu’un bon concept vaut mieux que mille artifices.
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